La vie autour des récifs coralliens est complexe. Elle ressemble parfois à un énigmatique tableau coloré de Jackson Pollock. Les interactions sont si diverses qu’elles sont mal connues et parfois mal comprises. Entourées d’eau appauvrie en nutriments (le paradoxe de Darwin*), la coopération et la symbiose sont les conditions principales de survie.
* Glossaire en fin de page
Pas de corail, pas de zooxanthelle. Pas de zooxanthelle, pas de corail. Une relation essentielle appelée symbiose*. Elle est mise à rude épreuve par les récents changements de conditions de l’océan.
Les zooxanthelles sont des algues unicellulaires hébergées par les polypes coralliens. Elles se nourrissent des déchets du corail, lui fournissent de la nourriture et ce sont elles qui donnent au corail ses multiples couleurs. Une trop haute élévation de la température de l’eau stresse le corail qui va expulser son algue nourricière. Il va ainsi perdre sa couleur et devenir blanc, telle une photo surexposée. Ce phénomène est appelé blanchissement. Si une algue ne se réinstalle pas dans le corail, celui-ci meurt progressivement et se dégrade en un squelette de carbonate de calcium. Squelette fragile qui cassera à la première houle Ainsi érodé, le récif ne pourra plus faire face à l’assaut des vagues.
Si la symbiose disparait, la barrière de corail aussi.
Une crevette et un poisson gobie. Un excavateur aveugle et un observateur vigilant. L’accord parfait. Comment se sont-ils trouvés? Un mystère de plus. Mais ils l’ont fait et leur association est un parfait exemple de symbiose mutualiste*.
La plupart du temps, les yeux aperçoivent une queue de poisson disparaissant dans le sable. Mais avec un peu de patience, la récompense vous surprendra. Il est là, le poisson gobie, immobile à l’entrée d’un trou, tel un gardien. Il semble surveiller. Mais quoi? Quelques minutes et soudain elle apparait. Une crevette. Elle pousse du sable à l’aide de ses pinces à l’extérieur du trou. Inlassablement, elle enchaîne les allers et retours. Pour prendre soin de son terrier, elle ramène le gravier à la surface. Et là, à l’extérieur de son abri, pendant quelques secondes, elle est vulnérable. Surtout qu’elle est aveugle. Elle ne pourra pas voir venir le prédateur. Alors quand elle sort, elle pose l’une de ses grandes antennes sur le corps du gobie : les mouvements du poisson vont la prévenir du danger (photo ci-dessous, en haut à gauche). A la moindre alerte, un frémissement et la crevette recule dans son terrier, suivi de près par le poisson gobie après un demi tour fulgurant. Elle prend soin de leur terrier, il l’a protège.
Une crevette et un poisson. L’inattendue accord parfait.
Que dire encore sur le poisson clown?
Recherche Google : poisson clown anémone. Résultat : symbiose.
Acclimaté aux tentacules venimeuses de l’anémone, le poisson-clown nettoie et défend sa maison tandis que l’anémone fournit un site de nidification, de la nourriture et une protection pour le poisson. Mais il y a plus. Comme d’autres poissons de récif, le poisson-clown a la capacité de changer de sexe. Entre les tentacules de l’anémone, la communauté est composée d’un seul couple dominant mâle-femelle accompagné de petits individus mâles. Lorsque la femelle meurt, le mâle dominant se transforme en femelle et l’un des juvéniles se transforme rapidement en mâle mature, reconstituant la paire dominante.
Le poisson-clown est né transgenre.
Les éponges sont considérées comme la plus ancienne preuve de vie animale sur terre. Organisme simple témoin de l’évolution de la vie marine pendant 640 millions d’années.
Xestospongia testudinaria construit le récif comme une cheminée délabrée montant vers le ciel. Il assiste en silence aux temps anciens et structurent les communautés. Dans les recoins de l’éponge, toutes sortes d’habitants de récifs trouvent un abri : symbiose commensaliste*. Vivaneaux, poissons-lions, murènes, mérous juvéniles, poissons crapauds,… Et leur corps grouillent encore plus de vie. Dans leurs canaux internes, utilisés pour filtrer l’alimentation, se trouvent des colonies cachées de bactéries symbiotiques constituant jusqu’à 60% de la biomasse des éponges. En retour d’une maison, ces symbiotes jouent un rôle dans la digestion, l’élimination des déchets et la défense chimique de leur hôte.
Dans le récif, le vide n’existe pas.
GLOSSAIRE :
– Paradoxe de Darwin: comment les récifs coralliens, pleins de vie et apparemment bien nourris, peuvent-ils exister alors que la majeure partie du fond marin n’est qu’un vaste désert?
– La symbiose est une relation vivante étroite entre les organismes de différentes espèces, généralement avec des avantages pour l’un ou les deux individus impliqués. Les symbioses peuvent être «obligatoires», auquel cas la relation entre les deux espèces est si interdépendante que chacun des organismes est incapable de survivre sans l’autre, ou «facultatifs», dans lesquelles les deux espèces s’engagent dans un partenariat symbiotique par choix et peuvent survivre individuellement.
– Le mutualisme est une forme de symbiose dans laquelle les deux partenaires symbiotiques bénéficient de l’interaction, entraînant souvent un gain de forme significatif pour l’une ou les deux parties.
– Le commensalisme est une symbiose dans laquelle un organisme est souvent complètement dépendant de l’autre pour la nourriture, le logement ou la locomotion, sans effet évident sur l’hôte.